Recours à des CDD successifs : la requalification en CDI n’est plus automatique
Cass. soc., 14 févr. 2018, no 16-17.966
En l’espèce, une salariée a été embauchée en CDD :
– du 17 au 30 juin 2010 pour pourvoir au remplacement d’un salarié absent ;
– du 8 au 29 juillet 2010 pour pourvoir au remplacement d’un salarié absent ;
– du 1er au 29 août 2010 pour pourvoir au remplacement d’un salarié absent.
Puis elle a été de nouveau sollicitée en avril 2011 et a conclu, entre le 26 avril 2011 et le 27 février 2014, 104 CDD ayant pour objet le remplacement de salariés absents.
La salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de son CDD conclu en avril 2011 en un CDI.
Il convient de rappeler, dans un premier temps, que l’article L. 1242-1 du Code du travail prévoit que : « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».
Il convient, dans un second temps, de rappeler qu’en 2005, la Cour de cassation a eu à trancher une affaire similaire. Dans cette affaire, une salariée a conclu 104 CDD successifs ayant pour objet le remplacement de salariés absents. La Cour de cassation avait considéré que l’employeur ne pouvait recourir de façon systématique aux CDD de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d’œuvre. Elle avait donc jugé que l’emploi occupé par la salariée était lié durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise et qu’il y avait donc lieu de requalifier les CDD en un CDI (Cass. soc., 26 janv. 2005, no 02-45.342 – arrêt publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation). Cette jurisprudence a ensuite été confirmée à plusieurs reprises.
Dans la présente affaire, le conseil de prud’hommes ainsi que la cour d’appel, appliquant la jurisprudence de la Cour de cassation, ont considéré que la multiplicité des CDD ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Ils ont donc procédé à la requalification de l’ensemble des CDD en un CDI.
Cependant, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel.
En effet, la Haute juridiction a considéré que :
« le seul fait pour l’employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».
Elle a ainsi invalidé l’arrêt de la cour d’appel en estimant que les motifs retenus par cette dernière étaient insuffisants pour caractériser, au regard de la nature des emplois successifs occupés par la salariée et de la structure des effectifs de l’entreprise, que les CDD successifs avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Désormais, la multiplié et la durée excessive des CDD successifs ne permettent plus, à elles seules, de caractériser l’abus dans le recours aux CDD. Ainsi, la requalification en CDI n’est plus automatique.